« Les nuages à l’horizon annoncent un temps chaud et sec et la brise du matin transporte avec elle les parfums de la nuit. À l’horizon, le soleil émerge d’Upessamiu Shipi, la rivière Bersimis. Tout près, rompant le silence, des bruants à gorge blanche font entendre leur chant. Du campement, des bruissements s’élèvent et l’odeur réconfortante d’un feu de poêle se répand dans l’air.

(…)

Je subsiste dans ce microcosme

Tressée aux racines

Que je m’apprête à déployer

Un cri silencieux

Je m’enfante à nouveau

Libre Puissante Divine »

La dernière fois que j’ai lu à voix haute un roman, c’était pour Jeu blanc de Richard Wagamese, tout en tenant mon fils – de deux mois alors – dans mes bras.

Pour te dire que cela ne m’arrive pas tous les quatre matins.

Ces mots de Carole Labarre, tu as comme l’envie de les dire clairement, d’écouter résonner la beauté d’un territoire, de laisser se déployer, au travers du déroulement de la langue, les paysages, les visages, les mythes, les corps, leurs histoires, l’animalité.

L’or des mélèzes est ce genre d’ouvrage où tu peux te lover sans crainte, pris-e par cette douceur et cette force.

Car il est poignant aussi ce roman aux multiples facettes, fait de courts chapitres aux destins ciselés.

Pishimuss, une aînée, nous raconte son histoire, d’avant, d’hier, de maintenant.

Ici, le temps n’est pas compté; il s’écoule, devient ce que l’on fait et ce que l’on a fait… ou pas.

Autour d’elle, Adèle, Isaac, Mathias, Adeline, Sophie, Xavier, Shushep.

Carole Labarre tisse une temporalité inclusive, englobant morts et vivants, vaste nature et animaux, autour de ce personnage féminin portant le prénom du mois de décembre en Innu aimun.

L’or des mélèzes est un grand feu autour duquel monde ancien et contemporain – monde Innu avant tout – s’interpellent, s’emboîtent, se disloquent parfois.

Carole Labarre crée des images, te transporte dans son propre souffle créateur au milieu d’un territoire qui, rapidement, devient ta maison.

Son livre est court, magnifique, rieur, sombre, incandescent.

S’y mêlent passion, jalousie, manque d’amour, deuil, alcoolisme, silence, résilience, odeur des banniques, faim, abandon, Papakassik, ennui, légendes et vaste forêt comme refuge.

Pour ce premier roman, durant lequel s’inscrit une poésie vive « – L’ours Mashk – » Pour guérir laisse-moi manger ton cœur « –, voici une intense symphonie sur les liens lumineux te raccrochant à la matrice de toute vie. Ceci avec ce ton tout à la fois espiègle et doux qui te donnera sûrement l’envie d’écouter, encore et encore, d’autres histoires de Carole Labarre.

Fanny.

L’or des mélèzes, Carole Labarre, Mémoire d’Encrier, 128 p. , 17€.

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