Je pourrais commencer par une accroche tout à fait démagogique: Vous avez envie d’être heureux, lisez la vie de John Muir par Alexis Jenni.

Volontairement, et autant être franche dès le début, le titre, pour moi, c’est « Non » ou « Oh mais noooon » : J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond.
Muir, comme le précise Jenni, avait formulé trois mots dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse (éditions José Corti, traduction André Fayot): « (…) en être émerveillé »; au chapitre Un, première page, ligne 13, pour être précise. « En être émerveillé »…ce titre m’aurait vraiment plu, foi-de-libraire-qui-n’a-pas-à-se-mêler-des-affaires-éditoriales.

Mais ceci n’est pas bien important, car l’essence de ce texte est sublime, aussi sublime que celle des vastes forêts du Pacifique durant les années 1870.
Quelques pollutions plus tard, j’ai retrouvé, grâce à ce récit de Jenni, le souvenir de cette odeur exaltante des séquoias mêlée à celle du vaste océan furibond. Je marchais le long des chemins du « Muir Woods National Monument » et je bassinais mes deux comparses de randonnée sur cette odeur charnelle, addictive, un peu l’odeur du bonheur voyez-vous. « Vous ressentez? sentez-vous? c’est magnifique! ». Pauvres d’eux, ils avaient embarqué une folle en pleine extase.
Avoir retrouvé cette sensation dans ce bel ouvrage était vraiment un moment particulier de lecture et pas besoin d’avoir sniffé du séquoia géant pour éprouver, vous aussi, ce plaisir indicible en abordant ce récit.

Vous ne connaissez pas John Muir, petit Picte descendu d’Écosse pour suivre l’aventure du père rigoriste? Lisez ce livre. Vous admirez John Muir, un des premiers naturalistes modernes, militant de la protection de la nature et adepte éternel de « la Sauvagerie » et bien lisez ce livre aussi.
J’aurais pu devenir… est une histoire empreinte de générosité et d’humanisme, d’admiration fraternelle et de philosophie des grands espaces.

Lire ce livre, c’est lire l’émerveillement, un émerveillement parfois à haut risque mais Muir vit la nature et nous la fait ressentir dans toute sa puissance. Jenni nous montre un personnage inspirant, un modèle d’aventure qui n’est plus, un homme curieux, inventif, en adéquation totale avec le « Grand Tout », étonné, lui-même, du succès de ses récits.

Alexis Jenni nous dépeint une figure mythique, justement sans en faire un être au-dessus de tout mais bel et bien un humble humain pacifiste admirant la beauté naturelle du monde.
Si Muir était encore de ce monde, il aurait pu être comme un Christian Bobin en goguette 😉

Je vous laisse avec ce mot qui me fait face depuis quelques années…et c’est tout le bien que je vous souhaite:
« Climb the mountains and get their good tidings. Nature’s peace will flow into you as sunshine flows into trees » – John Muir (1838-1914).

Coup de ❤️ forever.

Fanny.

J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond, Alexis Jenni, éditions Paulsen, 220p., 21€.

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